Civate

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San Pietro al Monte

fresques du XI° siècles

L’église San Benedetto vue de l’église San Pietro,

au pied du mont Civate

 

Les origines de l’église San Pietro al Monte a Civate se perdent dans la légende. Mais ici, plus que les documents, ce sont les pierres et les fresques qui parlent. Ainsi celle qui représente la lutte des anges guidés par l’archange saint Michel contre l’immense dragon rouge qui voulait dévorer l’enfant né de la femme «enveloppée de soleil», comme on le lit dans le chapitre XII de l’Apocalypse

Sa

Un joyau roman au cœur des montagnes et des lacs italiens

 

 

 
   
   
 

   
   

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Que font-ils là-haut, seuls dans la conque au pied du mont Pedale qui domine la plaine lombarde et le lac d’Annone, ces deux joyaux de l’architecture romane? Cela peut paraître étrange, mais les historiens et les critiques d’art n’ont pas eux-mêmes réussi à répondre à cette question. Aujourd’hui encore, pour atteindre les deux petites églises, San Pietro et San Benedetto, à 660 m d’altitude, il faut marcher pendant plus d’une heure à partir du village de Civate dont les deux églises tirent leur nom. Une peine dont on est amplement récompensé quand on les voit apparaître au milieu des prés verdoyants.
      Mais qui a pris la décision de les élever dans un lieu si isolé? Et pour quel motif? La légende raconte que le roi lombard Désiré voulut les ériger en remerciement d’un vœu qui avait été exaucé: son fils Adelch, qui avait commis le sacrilège de tuer un sanglier et qui s’était réfugié sous l’autel, avait été puni de cécité. Le père implora la grâce pour son fils et il lui fut annoncé dans un rêve que s’il construisait une église sur ce lieu, celui-ci recouvrerait la vue. Ce que fit le roi, comme le raconte dans un latin désormais vulgarisé la Chronica mediolanensis, un manuscrit conservé à la bibliothèque nationale de Paris. La chronique ajoute un détail intéressant: Désiré aurait demandé au pape Adrien des reliques pour les conserver dans la future église et aurait reçu, rien moins qu’une relique de saint Pierre et une autre du pape Marcel (et la légende est en accord avec les faits parce que le pape Marcel est représenté dans la fresque du XIIe siècle, à l’entrée). Le premier document historique qui atteste l’existence de l’église San Pietro remonte à 845. On y lit que vivait là une communauté de trente-cinq moines obéissant à la règle bénédictine; une communauté assez importante donc, mais l’édifice dans laquelle elle était logée n’existe plus. On trouve ensuite mention de cette église en 859 ou un peu plus tard, au moment où l’archevêque de Milan Angilbert II, celui qui avait commandé le célèbre autel d’or dans la basilique ambrosienne, fit transporter d’Albenga à Civate les reliques de saint Caloyer, un martyr qui a vécu, semble-t-il, au premier siècle. Une autre église ancienne, ayant en annexe un monastère, lui est dédiée dans le village de Civate.
      Mais peut-être la date la plus importante, celle qui a été déterminante pour l’aspect de San Pietro et San Benedetto, c’est celle de 1097. En septembre de cette année-là, l’archevêque de Milan Arnolphe III meurt et est enterré à Civate; il avait été choisi pour occuper la chaire d’Ambroise en 1093, dans des circonstances si peu claires que le pape Urbain II avait initialement invalidé sa nomination. En attendant que celle-ci fût ratifiée, Arnolphe se retira pour prier à San Pietro al Monte a Civitate. Deux ans plus tard, la confirmation arriva de Rome. Tous ces obstacles montrent l’attachement de l’évêque à l’ancien établissement monastique et confirment l’hypothèse émise par les critiques que les grands travaux pour l’embellissement de San Pietro remontent justement à cette époque.
 

L’autel affresqué dans la petite abside de l’église San Benedetto
      En effet, à Civate, plus que les documents, ce sont les pierres et surtout les fresques et les stucs qui parlent. Il y a deux églises, avons-nous dit. La première, un peu en-dessous, est intitulée à saint Benoît. Son plan circulaire avait fait penser qu’il s’agissait d’un baptistère; en réalité, elle n’a jamais dû jouer ce rôle car on n’a jamais trouvé ni source ni canaux d’évacuation des eaux. On a déjà en tous cas en elle un avant-goût de ce qui l’on trouvera, à peine au-dessus, à San Pietro. En effet, l’autel situé dans la petite abside en face de l’entrée a conservé ses fresques sur trois côtés. Sur le côté droit, en particulier, se détache un grand saint Benoît, bras ouverts. D’une main il tient la crosse et de l’autre, un livre qui porte cette inscription: «Ego sum Benedictus abas».
      À la sortie de l’église, le regard, s’il se dirige vers le haut, est frappé par le majestueux escalier de vingt-trois marches de taille assez grossière qui s’élève vers l’entrée de l’église San Pietro. Et c’est ici que nous attend la première surprise: la façade de cette église est en effet convexe, elle semble ou plutôt elle est une abside semblable à celle de San Piero a Grado, à Pise, sur le lieu où, selon la tradition, saint Pierre aurait débarqué. Mais de plus, court autour de l’abside un portique dont les élégantes fenêtres jumelées s’ouvrent sur la vallée. Les raisons de cette fascinante mais étrange façade-abside sont liées à l’années 1097 et à la vie de l’archevêque Anspert. Ce serait lui qui serait intervenu dans la construction de l’église pour renverser l’orientation primitive et disposer l’autel dans la direction de la montagne. L’ancienne abside devint ainsi la nouvelle façade de sorte que la crypte, qui a gardé l’orientation originaire, semble renversée par rapport au plan de l’église.
      Fut-ce encore Anspert qui invita les extraordinaires artistes à affresquer l’église et à l’orner des célèbres stucs qui la décorent? La datation proposée il y a déjà cinquante ans par le plus grand spécialiste du Moyen Âge lombard, Pietro Toesca, et fondée sur des confrontations de styles, coïncide avec celle qui a été suggérée par des faits concernant Anspert. Nous sommes au début de l’année 1100, dans une période qui est encore dominée par les écoles byzantines. Il est sûr qu’est venu à Civate, entre autres, un grand maître, celui à qui est attribuée la grande scène peinte à l’intérieur, sur la lunette, et qui illustre le début du chapitre XII de l’Apocalypse.
 

Portail de l'église San Pietro

 
      Mais avant d’arriver à ce qui constitue le sommet de la décoration, le fidèle est appelé à effectuer un bref parcours qui commence par la fresque située au-dessus de la porte d’entrée, où le Christ remet les clefs et le livre à Pierre et Paul, apôtres dont les mains sont voilées. Une fois à l’intérieur, dans la première petite voûte, est représentée la Jérusalem céleste, décrite comme une ville prospère, fermée par douze portes. Dans l’ouverture de celles-ci apparaissent douze anges et au-dessus d’elles se trouvent les douze noms des douze tribus d’Israël et des douze apôtres. Au centre, le Christ qui tient dans ses mains un livre sur lequel on peut très clairement lire cette invitation: «Qui sitit veniat», que celui qui a soif vienne. Une inscription qui se réfère au fleuve qui jaillit de la montagne, aux pieds du Sauveur, qui se divise ensuite en quatre bras, lesquels confluent dans les quatre angles de la voûte suivante (là où un nom est donné à chacun des fleuves). L’image du fleuve est là pour indiquer que les Évangiles sont prêchés dans tous les coins de la terre, comme l’a montré récemment Lorenzo Cappelletti dans le livre qu’il a consacré aux fresques de la crypte d’Anagni – fresques qui sont assez proches du point de vue thématique et peut-être aussi chronologique de celles de Civate. «Dans les cœurs de pierre des Gentils Dieu fit couler les fleuves de la prédication… Ce que nous avons entendu promettre, nous le voyons maintenant réalisé»; ce sont là les paroles de Grégoire le Grand qui correspondent parfaitement à l’itinéraire proposé. Est-ce un hasard si le pape Grégoire et le pape Marcel ont été peints sur les deux parois de l’entrée, dans l’acte d’accueillir les fidèles qui se pressent à la porte? «Venite filii, audite me, timorem Domini docebo vos», (venez mes enfants, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte du Seigneur), dit le premier: «Accedite filii et inluminamini» (entrez mes enfants et vous serez éclairés), dit le second.


      Après être passé sous ces voûtes de l’endonarthex, on arrive dans la grande nef de San Pietro qui a vingt mètres de long. C’est alors que nous nous retournons et que nous voyons sur la paroi du fond la grande fresque de l’Apocalypse. Dans un étincellement de couleurs que le climat sec du mont Pedale a préservées jusqu’à aujourd’hui, est racontée la lutte des anges, guidés par saint Michel, contre l’immense dragon qui voulait s’emparer de l’enfant né de la femme «enveloppée de soleil», comme il est dit au chapitre XII de l’Apocalypse. La théorie des anges qui, armés de fines lances et la tête entourée d’auréoles vertes, rouges et bleues, semblent danser, finit par vaincre le dragon: «Il eut le dessous et fut chassé du ciel». On ne peut pas ne pas s’émerveiller devant l’élégance et la parfaite harmonie de cette composition qui résume le récit complexe de l’Apocalypse tout en gardant une extraordinaire unité d’ensemble. Elle semble traverser sans difficulté les mille ans d’histoire qui nous séparent d’elle pour s’adresser à nous dans un langage visuel qui reste direct et fascinant.
      San Pietro conserve encore un dernier joyau: le ciborium lumineux décoré de bas-reliefs de stuc comme celui, plus célèbre, de la basilique Sant’Ambrogio. Sur le côté, face à l’entrée, se trouve un Christ en croix. Le regard du Seigneur plein de tendresse semble vouloir dire que ses bras sont ouverts pour accueillir les hommes. En bas, Marie et saint Jean sont tendus vers lui comme animés d’un désir ardent. «Mors superat mortem», dit l’une des inscriptions sur le fond de cette scène. Sur le côté droit du ciborium, dans la très belle Résurrection, on voit l’ange qui trône sur le sépulcre vide, les ailes déployées comme dans un élan de bonheur. L’artiste suit le texte de l’Évangile de Marc et représente Marie de Magdala et Marie, la mère de Jacques, qui sont venues parfumer d’huiles aromatiques le corps du Seigneur. Stupéfaite, Marie laisse échapper le vase d’onguents qui, se détachant sur le fond blanc, tombe sur le sol. Avec ces inscriptions voyantes qui indiquent les noms des personnages de la scène on a l’impression de se trouver devant une sorte de bande dessinée de l’antiquité dans laquelle, toute banalité exclue, chaque tableau est destiné à tous et à la portée de tous. 
 

Giuseppe Frangi


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